Entretien avec Lisa Paquereau, Directrice Marketing et Communication d’AVIVA INVESTORS FRANCE

A la tête du marketing et de la communication d’Aviva Investors France depuis novembre 2018, après avoir exercé les mêmes responsabilités au sein d’ING IM (devenue NN IP), puis de Robeco France, Lisa Paquereau a aussi exploré d’autres secteurs entre 2016 et 2018. Une expérience qu’elle a mise à profit, de retour dans l’univers de la gestion d’actifs.

Quels constats faisiez-vous concernant les pratiques marketing et communication des gérants d’actifs, lorsque vous êtes partie explorer de nouveaux secteurs en 2016 ?

J’avais le sentiment que les relations fournisseurs-consommateurs, un peu conservatrices au sein du secteur de la gestion d’actifs, étaient parfois un frein à l’innovation dans les stratégies marketing et de communication. Les acteurs misaient beaucoup sur l’innovation en matière d’ingénierie financière, de stratégies d’investissement, mais moins en matière de relations clients, qui restaient principalement fondées sur les relations personnelles. C’était en particulier un frein à l’innovation digitale.

Le bouleversement des modes de relation clients vécu dans tous les secteurs depuis le 1er semestre 2020 a joué un rôle d’accélérateur des pratiques digitales. Quels enseignements en tirez-vous ?
La crise que nous vivons a mis en exergue l’état d’avancement des différents acteurs. L’impossibilité de rencontres physiques a obligé toutes les équipes commerciales à revoir leur copie. Elle a donné l’avantage à ceux qui avaient mis le digital au cœur de leur stratégie marketing, aux dépens de ceux qui ne l’avaient pas fait et étaient restés sur un modèle uniquement fondé sur les relations humaines en face à face, l’événementiel, la diffusion de contenus print et n’avaient pas vraiment à leur disposition d’outils digitaux.

« Nous devons nous adapter à l’évolution des modes de consommation des contenus »

Vos cibles ont accès à une multitude de contenus. Dans ces conditions, quelles sont selon vous les bonnes pratiques pour émerger ?

La surexposition des investisseurs institutionnels et sélectionneurs de fonds aux contenus les rend difficilement capables de traiter toutes les informations reçues. L’une des clés me semble être de s’adapter à l’évolution des modes de consommation de ces contenus : ils doivent pouvoir être consommés en situation de mobilité et à tout moment dans une journée. De ce point de vue, les vidéos courtes, mais aussi les podcasts, offrant une information spécifique et pertinente sont à privilégier. L’enjeu est aussi celui de leur mode de diffusion : les réseaux sociaux ont l’avantage de nous donner l’opportunité d’interagir avec nos clients, d’engager la conversation avec eux à partir d’un contenu. Cette interaction permet en outre d’affiner notre compréhension de leur besoin d’information et ainsi de mieux définir la valeur ajoutée à apporter. Nous devons toujours nous demander pourquoi nous créons un contenu, en quoi sera-t-il utile à nos clients et comment servira-t-il notre relation commerciale avec eux. L’objectif ultime reste de mieux vendre nos produits.

Dans un univers très concurrentiel, où beaucoup de produits se ressemblent, la différence se fait souvent sur la qualité du service et partager notre savoir à travers nos contenus fait vraiment partie de ce service. Les contenus que nous produisons doivent nous permettre d’enrichir notre relation avec nos clients. Nous cherchons aussi à mieux former nos commerciaux et nos intermédiaires, afin qu’ils appréhendent bien les enjeux de leurs interlocuteurs et délivrent les bons messages. Nous nous fixons des objectifs concrets, des KPI : la démarche de création et diffusion de contenus doit faire réagir et agir nos cibles : télécharger un document, le partager, commenter l’information, voire accepter un rendez-vous. Un contenu digital facilite ce travail car il est traçable. La diffusion d’une newsletter permet ainsi de savoir qui a consulté quoi, à quel moment et pendant combien de temps. Ces informations sont précieuses pour adapter nos contenus aux modes de consommation de nos clients. Nous identifions les sujets, le ton, la technicité, mais aussi les illustrations et les formats qui suscitent le plus d’intérêt. Et en pratique nous constatons que les vidéos sont nettement plus « cliquées » que les articles. Nous allons donc transformer certaines de nos publications récurrentes en format vidéo.

« Nous croyons aux formats vidéo courts, rythmés et très visuels »

Comment justement ont évolué les formats des vidéos que vous produisez ?

Nous croyons aux formats courts, rythmés et très visuels, combinant dans une même vidéo les styles interview et documentaire. A l’inverse, l’expert statique face à la caméra, sans illustration, manque d’impact. Les sous-titrages sont indispensables pour une consultation sans le son, qui est fréquente. Pour obtenir des formats courts, nous sommes susceptibles d’enregistrer un expert pendant une dizaine de minutes, puis de découper son intervention en chapitres de 2-3 mn maximum, qui couvriront chacun un sujet spécifique, afin de répondre à un besoin d’information précis. Cela nous permet ainsi de créer des mini-séries sur une thématique donnée que les consommateurs peuvent consulter à leur convenance.

Avez-vous, comme beaucoup d’asset managers aujourd’hui, commencé à imaginer les types de contenus qui devraient être produits à destination des clients finaux, les particuliers ?

La question de savoir de quoi nous devons parler aux clients finaux fait vraiment partie de notre réflexion. Nous le savons tous, le niveau de connaissance des français sur le thème de l’épargne est très faible. Ils s’en remettent à l’Etat et à leur banquier, mais n’ont pas suffisamment la maîtrise de leur démarche d’épargnant pour préparer leur avenir. Nous devons leur offrir une meilleure compréhension des produits et services financiers. Ce peut être par exemple en partageant des contenus éducatifs et pédagogiques. En les aidant à faire des choix d’investissement éclairés, nous leur redonnons le pouvoir sur leur épargne ce qui est une approche gagnante pour eux comme pour nous. En outre, créer des contenus adaptés aux besoins des épargnants nous permettra d’aider les distributeurs à enrichir leurs relations avec leurs clients finaux. La thématique de l’ESG en particulier s’y prête très bien, dans la mesure où les distributeurs vont avoir le devoir d’interroger les épargnants sur leur sensibilité à ce sujet, sur leur souhait de souscrire dans des fonds d’investissement responsable, en application de la loi Pacte et de la directive MIF.

Aviva Investors France et ses porte-paroles sont très actifs sur LinkedIn. Quelle stratégie avez-vous mise en place sur ce réseau ?

Nous avons lancé notre stratégie sur LinkedIn en février 2019 dans la perspective de rentrer en interaction avec nos parties prenantes. Nous nous focalisons sur le partage de connaissance et le suivi de nos évènements et de nos expériences, mais nous n’évoquons pas nos fonds. Nous avons embarqué nos principaux porte-paroles, avec qui nous échangeons régulièrement afin de leur permettre d’intervenir à travers leurs posts sur des thèmes, des angles qui leur ressemblent. Nous avons un devoir de proximité et de véracité. Nous sommes particulièrement satisfaits du taux élevé d’engagement sur nos posts, au-dessus de la moyenne dans notre secteur. Cela nous offre une très belle visibilité, qui représenterait des investissements très conséquents en équivalent publicitaire. Nous avons en revanche décidé de ne pas nous lancer sur Twitter, qui privilégie les réactions à chaud et manque ainsi de fiabilité. Nous étudions l’opportunité d’être présents sur Instagram, car c’est un bon canal de diffusion de vidéos, de « stories » et de lives, qui sont très appréciés des jeunes épargnants.